« Si nos plages sont fragilisées, c'est tout un pan fondamental de notre économie et de la vie des Mauriciens qui est mis à mal », alerte Philippe Espitalier-Noël, CEO du groupe Rogers, l'un des plus importants conglomérats touristiques de l'île dans une interview à l’Eco Austral. Une inquiétude d'autant plus pressante que le dirigeant rappelle une réalité économique implacable : « Nous avons le capital humain d'une part, les plages et le lagon de l'autre. Nous n'avons rien d'autre. »
L'érosion côtière, phénomène amplifié par le changement climatique, menace directement les plages paradisiaques qui font la renommée de l'île. Un hôtel a même dû récemment fermer ses portes, faute de pouvoir intervenir sur des dégâts causés par les intempéries. Une situation qui illustre l'urgence d'une réponse coordonnée.
Face à ces enjeux, le secteur privé plaide pour la création d'un organisme scientifique dédié à la surveillance et à la préservation du littoral. « Il est fondamental que l'État et le privé puissent collaborer à la création d'un organisme scientifique avec l'aide de pays amis », souligne Philippe Espitalier-Noël. Un projet qui s'inspire du modèle du Mauritius Sugar Industry Research Institute, référence nationale en matière de recherche agricole.
Les acteurs hôteliers, regroupés au sein de l'Association des hôteliers et restaurateurs de l'île Maurice (Ahrim), tentent déjà de mettre en place des initiatives. Mais ils se heurtent souvent à des obstacles administratifs et à l'absence d'interlocuteur unique au niveau gouvernemental.
Une transition nécessaire vers le tourisme durable
Le groupe Rogers, présent dans le tourisme mauricien depuis plus d'un siècle, illustre cette volonté d'adaptation aux nouveaux défis environnementaux. Ses établissements, dont le prestigieux Château de Bel Ombre, s'engagent résolument dans une démarche écoresponsable à travers le programme "Now for Tomorrow".
Cette transition vers un tourisme plus durable s'impose comme une nécessité économique. Les voyageurs internationaux, de plus en plus sensibles aux questions environnementales, intègrent désormais ces critères dans le choix de leur destination.
L'urgence de la situation est d'autant plus critique que le tourisme constitue un pilier majeur de l'économie mauricienne. Le secteur génère des revenus substantiels et crée de nombreux emplois directs et indirects. Les groupes hôteliers mauriciens, comme Rogers Hospitality, ont également développé une expertise reconnue qui s'exporte dans la région, notamment aux Seychelles et au Maroc.
Si Maurice veut préserver son statut de destination touristique de premier plan, elle doit impérativement relever le défi climatique. Cela nécessite une approche coordonnée entre le secteur privé et les autorités, des investissements conséquents dans la protection du littoral, et une vision à long terme du développement touristique.
La menace qui pèse sur les lagons et les plages de Maurice n'est pas seulement un enjeu environnemental : c'est aussi un défi économique majeur pour l'avenir de l'île. Comme le résume Philippe Espitalier-Noël : « Le temps qui passe nous mettra dos au mur par rapport aux conséquences économiques de l'état d'urgence écologique. » Un avertissement qui appelle à une mobilisation urgente de tous les acteurs concernés.