À Rodrigues, ce petit territoire insulaire de la République de Maurice, les pêcheurs se lèvent avant l'aube pour rejoindre les platiers coralliens. Armés de simples "piques" - ces harpons traditionnels fabriqués localement - ils scrutent les récifs à marée basse, là où l'ourite se dissimule dans les anfractuosités du corail. "La technique n'a guère évolué depuis des générations", confie Stéphane Morin, pêcheur rodrigais de 37 ans qui pratique cet art depuis l'adolescence.
// PHOTOS : Joey Niclès Modeste
L'économie locale est intimement liée à cette ressource marine. Avec 24 tonnes prélevées annuellement selon les derniers chiffres officiels, l'ourite représente non seulement une source de protéines essentielle pour la population locale, mais également un produit d'exportation prisé vers La Réunion et Maurice, où les restaurants gastronomiques valorisent ce produit d'exception.
Face à cette pression croissante, les autorités ont instauré une période de fermeture annuelle de la pêche, généralement de février à mars, permettant ainsi aux stocks de se régénérer. Une mesure saluée par les écologistes comme par les pêcheurs eux-mêmes, conscients que leur avenir dépend de la préservation de cette ressource.
Dans les marchés locaux, l'ourite se négocie entre Rs 750 et Rs 1 000 le kilogramme. Un prix qui reflète la difficulté de sa capture et sa rareté croissante. Préparé en curry, en salade ou simplement grillé avec un filet d'huile d'olive et quelques herbes aromatiques, ce céphalopode incarne l'essence même de la gastronomie insulaire de l'océan Indien.
À l'heure où la mondialisation tend à uniformiser les pratiques alimentaires, la pêche à l'ourite demeure l'un de ces précieux patrimoines immatériels qui racontent, mieux que les mots, l'âme profonde d'un territoire et de ses habitants.