Les chiffres sont éloquents. Le premier trimestre 2025 enregistre une chute globale de 5,8% des arrivées touristiques par rapport à la même période en 2024, avec seulement 326 389 visiteurs contre 346 562 l'année précédente, soit un déficit net de 20 173 touristes. Cette tendance baissière se confirme mois après mois : janvier (-7,4%, soit 108 731 contre 117 423), février (-6,2%, soit 104 186 contre 111 148) et mars 2025 (-3,8%, avec 113 472 arrivées contre 117 991).
En termes de recettes, cette contraction représente un manque à gagner estimé à environ 1,2 milliard de roupies (25 millions d'euros) sur le seul premier trimestre, selon les estimations basées sur une dépense moyenne par touriste de 60 000 roupies.
Ce qui rend cette contre-performance particulièrement notable, c'est qu'elle s'inscrit à contre-courant de la dynamique régionale. Quand Maurice décline de 5,8%, ses concurrents directs prospèrent : les Maldives affichent une croissance de 4,8% atteignant 203 464 visiteurs en mars (+9 237 par rapport à 2024), les Seychelles progressent de 8,8% avec 42 873 touristes (+3 466), et le Sri Lanka bondit même de 9,6% avec 229 298 visiteurs (+20 117).
Des marchés émetteurs en recul généralisé
L'analyse détaillée des marchés sources révèle un affaiblissement généralisé. Le Royaume-Uni, qui représente 11,3% des arrivées annuelles, voit sa contribution chuter de 13 029 à 11 335 visiteurs entre mars 2024 et mars 2025, soit une baisse de 13,0% correspondant à 1 694 touristes en moins. L'Allemagne, autre clientèle stratégique représentant 9,5% du marché, accuse un recul encore plus marqué de 22,2% avec seulement 9 667 touristes contre 12 421 l'an passé (-2 754 visiteurs).
La chute est particulièrement sévère sur le marché suisse, avec un effondrement de 32,8% de sa fréquentation (2 286 contre 3 401, soit -1 115 touristes). L'Afrique du Sud, marché de proximité crucial, n'est pas épargnée avec une baisse de 10,7% (8 503 contre 9 519, représentant 1 016 visiteurs de moins).
Cette érosion simultanée des principaux marchés émetteurs, qui représentent ensemble plus de 40% des arrivées touristiques, traduit un problème d'attractivité global plutôt qu'une difficulté conjoncturelle isolée.
Au-delà du secteur touristique, c'est l'ensemble de l'économie mauricienne qui pourrait pâtir de cette tendance. Le tourisme constitue en effet le premier pourvoyeur de devises étrangères pour l'île, générant annuellement plus de 2,3 milliards d'euros de recettes, dans un contexte où la balance commerciale demeure structurellement déficitaire (déficit commercial de 91 milliards de roupies en 2024).
La persistance de cette baisse risque de déclencher un effet domino. Chaque baisse de 1% des arrivées touristiques se traduit potentiellement par environ 750 emplois menacés dans le secteur. À ce rythme, près de 4 350 emplois directs et indirects pourraient être fragilisés si la tendance actuelle (-5,8%) se poursuivait sur l'année.
Le taux d'occupation hôtelière, déjà en recul de 4,2 points à 72,3% au premier trimestre 2025 (contre 76,5% en 2024), pourrait descendre sous la barre critique des 70% pendant la basse saison (mai-septembre), seuil en-dessous duquel la rentabilité de nombreux établissements n'est plus assurée.
Des causes multifactorielles à identifier d'urgence
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce décrochage. La connectivité aérienne reste inférieure de 7,3% à son niveau pré-pandémique, avec 1 250 vols internationaux mensuels contre 1 350 en 2019, limitant mécaniquement le potentiel d'arrivées.
Par ailleurs, l'offre mauricienne fait face à une pression tarifaire croissante. Le tarif moyen d'une nuitée en hôtel 5 étoiles à Maurice (285 euros) se situe 12% au-dessus de celui pratiqué aux Seychelles (255 euros) et 18% au-dessus des Maldives (242 euros en formule équivalente), sans différenciation perçue suffisante.
Le taux de retour des touristes, indicateur clé de satisfaction, a également fléchi, passant de 41% en 2023 à 37% en 2024, suggérant une érosion de l'expérience client.