C’est un honneur et un privilège de m’adresser à vous ce soir en tant que Président nouvellement élu de l’AHRIM. Je voudrais, d’emblée, saluer mon prédécesseur, Désiré, ainsi que notre CEO Jocelyn pour avoir su, pendant ces années extrêmement instables que nous venons de traverser, défendre et promouvoir l’industrie. Au nom des membres de l’AHRIM et en mon nom personnel, je vous remercie.
Je vous salue également, Monsieur le Ministre, pour votre constante disponibilité et la bienveillance avec laquelle vous avez cheminé à nos côtés pour que notre secteur puisse relever ses défis.
Je vous remercie enfin, chers confrères, de votre confiance. Je mesure pleinement la responsabilité de mon rôle et les challenges qui demeurent pour notre secteur. Je porterais tous mes efforts à vous représenter au mieux de mes possibilités.
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Tu as raison Désiré, nous célébrons ce soir le retour à l’optimisme. Le solide chiffre d’affaires généré par nos activités hôtelières durant ces derniers mois redonne du dynamisme à l’économie du pays. Et c’est une grande satisfaction.
Certes, nous ne sommes pas au bout de nos peines.
Comme on le sait, 90% de ces revenus sont redistribués au profit des emplois, des fournisseurs et du territoire. Or, réduire notre niveau d’endettement, qui s’est creusé pendant ces années de disette, poursuivre continuellement nos rénovations, enrichir notre offre d’expériences pour un voyageur qu’il faut sans cesse surprendre, nécessitent d’importants investissements.
Cela dit, il est indéniable que retrouver une gestion saine est un immense soulagement pour les opérateurs hôteliers dans leur ensemble. Avec le taux de profitabilité de 10% en moyenne que nous avons tous pu atteindre, nous pouvons envisager les mois à venir avec sérénité.
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Les beaux jours reviennent donc. L’horizon se dégage. Mais tu me passes le relais, Désiré, au moment où… le « Revenge Travel » commence à s’estomper ! Aie …
En 2023, notre clientèle - européenne surtout - a voulu rattraper le temps perdu, se faire plaisir et s’est offert de beaux voyages. Cette vague devrait, si l’on en croit nos tableaux de réservation, se calmer fin janvier. Il va de soi que l’urgence immédiate est de surfer sur… ses derniers roulis, d’en profiter un maximum pour réussir une haute saison exceptionnelle.
Deux initiatives devraient nous y aider. Elles méritent ici d’être mentionnées.
D’abord, la reprise, dès ce mois-ci, des vols d’Air Mauritius sur Genève. Le marché suisse, c’est un profil tout à fait intéressant pour notre destination, et nous devrions tirer un bel avantage de ces nouvelles dessertes.
Je me permets une parenthèse pour saluer notre transporteur national qui, malgré un contexte difficile, a mis et continue de mettre les bouchées doubles pour que Maurice puisse profiter du rebond. L’autre initiative est l’accord passé avec Aeroflot, que nous accueillerons dès décembre.
Chez les Russes, en dépit de la situation tendue, la reprise du tourisme a été très forte. Et ces voyageurs sont en quête de nouvelles destinations, en raison des contraintes qu’impose l’Union européenne à la Russie. C’est pour nous une belle aubaine.
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Et au-delà de janvier, que nous réserve l’avenir ?
Quels seront les effets de la situation géopolitique qui reste tendue?
L’inflation persistante va-t-elle impacter à long terme le pouvoir d’achat des voyageurs ?
Voire, les Jeux Olympiques de Paris pourraient-ils nous priver des vacanciers français ?!
2024 s’annonce ponctuée de nouvelles incertitudes.
Une façon certaine de se protéger de tout imprévu est de poursuivre la diversification de nos marchés.
Il reste que sur ces facteurs externes, nous n’avons que peu de prise.
En revanche, pour pérenniser la reprise, nous pouvons travailler sur nos problématiques internes, renforcer nos stratégies d’adaptation au nouvel environnement.
Monsieur le ministre,
Nous y revenons encore et encore.
Mais c’est une urgence nationale : pérenniser la reprise, c’est continuer à offrir un service d’excellence. Et on ne peut pas le faire avec des équipes essoufflées.
La main d’œuvre est un dossier qui reste « on top of the list » de nos priorités.
Comme l’a dit Désiré, les opérateurs hôteliers ont repensé au mieux de leurs possibilités leurs politiques RH pour retenir les talents.
Nos équipes ont fait preuve d’un réel engagement.
Mais on ne peut pas leur demander de fournir plus d’efforts qu’elles ne le font.
On ne peut pas continuer à opérer un hôtel avec 20% de personnel en moins et fournir le service hautement personnalisé sur lequel est construit notre modèle.
Nous sommes particulièrement inquiets à la veille de la haute saison. La clientèle, en cette période, paie le prix fort et son niveau d’exigence est plus élevé. C’est une clientèle haut de gamme, celle-là même qu’on veut séduire. Nous ne pouvons pas courir le risque, à un moment de haute fréquentation, qu’une expérience malheureuse fasse l’objet d’un commentaire déplaisant sur une plateforme de réservation en ligne.Il en va de notre réputation. Nous devons protéger notre industrie.
Une stratégie à deux volets est impérative.
Premièrement et immédiatement, combler le déficit de personnel, pour préserver le sourire mauricien et relâcher la pression sur nos équipes. Le quota de 3 Mauriciens pour 1 étranger est tout à fait raisonnable.
Il n’y a aucun risque que ce ratio ne compromette de quelque façon que ce soit notre ADN.Il faut, Monsieur le ministre, faire confiance aux hôteliers qui connaissent les besoins de leur établissement et sauront composer au mieux.
Deuxièmement et parallèlement, relancer la formation.
Depuis 2006, la capacité de l’Ecole hôtelière n’a guère évolué. Ni la politique de formation nationale d’ailleurs. Le « mismatch » entre l’Ecole Hôtelière et les besoins de l’industrie continue à se creuser. Cette école a besoin d’un soutien massif. Il est temps de repenser notre Ecole hôtelière, une école qui soit en symbiose avec les besoins de l’hôtellerie, qui soit une émanation de l’hôtellerie elle-même.
L’hôtellerie a tout ce qu’il faut pour en faire une référence dans la région : la marque de fabrique, l’environnement, la stature, les ressources. Elle peut être un véritable parrain d’une nouvelle école hôtelière. Assurer la formation de base, cependant, ce n’est pas notre rôle. Nous ne pouvons pas nous substituer à une école.
Nous sommes convaincus qu’une école portée par une grande vision, une école qui serait une référence, qui se développerait en collaboration avec de grandes institutions internationales, reliée à nos collèges, peut contribuer à relancer l’intérêt des jeunes pour la profession. Ceux d’ici, ceux de la région, de Madagascar, incroyable vivier de ressources…
Le temps presse. Avec notre déficit démographique, et la reprise des activités des bateaux de croisière, les écarts deviendront vite ingérables.
Pérenniser la reprise, c’est aussi rendre la destination durable Les attentes du visiteur en matière de durabilité en ont fait un enjeu majeur pour l’hôtellerie. Cette sensibilité est encore plus forte depuis la pandémie. La durabilité, aujourd’hui, c’est plus que la protection de l’environnement Les hôteliers ont déployé de vastes programmes, dégagé d’importants investissements pour amener les pratiques et les infrastructures de leurs établissements aux normes les plus élevées.
Malgré tous ces efforts, notre destination se classe toujours en bas de la liste des « destinations durables ». Cela signifie que nous n’avons su transmettre au monde l’image d’un pays pleinement conscient de sa responsabilité dans la préservation de ses atouts culturels et environnementaux, et engagé à les protéger.
Faut-il, pour envoyer ce signal, une action emblématique et forte ?
On se souvient de l’annonce faite par l’Australie qu’elle investirait 500 millions de dollars pour restaurer sa barrière de corail. Une annonce qui lui avait valu une forte sympathie, la projetant d’emblée dans l’esprit des touristes comme une Destination Durable.
Peut-être… Mais pas sûr que cela suffira. Ce qui absolument sûr, c’est que la destination ne préserve pas ses biens communs comme elle le devrait. Elle n’est pas « committed » à soigner son intérieur, son âme, ses richesses. Ce qui absolument sûr, c’est que le pays dans son ensemble n’est pas encore convaincu que la lutte pour une île Maurice plus verte et plus durable est une question de survie…
Ce qui absolument sûr, c’est que ce combat ne pourra pas être gagné s’il ne rallie pas TOUTE la population, tous les ministères, le public et le privé. La protection de l’environnement, la préservation de notre patrimoine, culturel, historique, c’est un combat qui doit être mené en concertation et en bonne intelligence.
Ce qui absolument sûr, c’est que les murs administratifs empêchent la résolution des problèmes.
L’AHRIM continue de penser qu’une cellule dédiée et spécialisée, qui agirait comme une autorité unique, et développerait des solutions et des propositions pour la protection de notre patrimoine serait pertinente.
Une cellule composée de spécialistes de développement durable, de chercheurs, d’anciennes personnalités politiques aussi pour la réflexion stratégique.
En haut de l’agenda de cette instance :
- Nos plages rongées par l’érosion.
- Nos jardins botaniques qui demandent à être mieux entretenus et valorisés
- Notre offre de musées qui nous démarquerait si facilement de la concurrence Nos parcs naturels, qui doivent être structurés et préservés
- Nos espaces publics qui ne respirent plus
Ces biens communs, aujourd’hui fragilisés, représentent un énorme potentiel pour nos visiteurs qui veulent sentir battre le cœur du pays.
Réhabilitées, soignées, préservées, nos richesses, celles de nos générations futures, rehausseront l’intérêt pour la destination, l’envie de la connaître, de la visiter, de la vivre.
Car c’est bien ce que demandent nos visiteurs. Vivre la destination.
Si nous adoptons une approche holistique pour transformer notre île en une destination durable, nous pourrons tenir cette promesse.
Et il y a des raisons d’espérer !
Bel Ombre devenu Biosphère et se retrouvant parmi les Top 100 destinations vertes au monde est un bel exemple de partenariat public-privé. Cet engagement de tous peut et doit être répliqué à plus grande échelle…
Chers amis,
Monsieur le ministre,
Je vous invite à continuer à réfléchir à toute cette question passionnante en plongeant dans Check-in, notre magazine, qui y consacre sa UNE. Pour ma part, je vous assure de tout mon soutien déterminé pour que notre discussion autour de la construction d’une Destination Durable aboutisse à des actions fortes.
Je vous remercie de votre attention, et vous souhaite une belle soirée.