Comment a-t-on pu autoriser le piétinement quotidien des sentiers empruntés par nos ancêtres marrons, ces chemins chargés d'une histoire douloureuse qui méritaient une attention scientifique méticuleuse ? L'unique campagne archéologique d'envergure, menée en 2002-2003, n'a jamais pu être approfondie, interrompue par les velléités mercantiles d'un projet de téléphérique. Une parenthèse brutalement refermée sur des découvertes potentielles inestimables.
Aujourd'hui, le constat est accablant : les traces laissées par ces hommes et ces femmes qui ont préféré la mort à l'esclavage s'effacent sous les pas des promeneurs du dimanche. Cette politique du "tout-tourisme" sacrifie sur l'autel de la rentabilité immédiate un patrimoine historique unique au monde.
Il est impératif de suspendre immédiatement cet accès général au site. Laissons les archéologues accomplir leur devoir de mémoire avant que les derniers vestiges de cette histoire ne disparaissent à jamais. Le Morne n'est pas un simple point de vue panoramique : c'est un lieu sacré qui raconte l'histoire de la résistance à l'oppression. Son exploration scientifique méthodique doit précéder toute considération touristique.
Cette mascarade doit cesser. On ne peut pas d'un côté se gargariser de « devoir de mémoire » et de l'autre sacrifier les derniers vestiges de cette histoire sur l'autel de la rentabilité. Les archéologues doivent pouvoir reprendre leurs travaux, documenter, comprendre, avant que tout ne disparaisse sous les pas des visiteurs qui transforment un site mémoriel en terrain de jeu instagram-compatible.
Le Morne n'est pas un vulgaire point de vue à taguer sur les réseaux sociaux. C'est un lieu de mémoire, un sanctuaire de la résistance à l'oppression. Sa préservation exige plus qu'une gestion à la petite semaine guidée par l'appât du gain touristique. Elle demande du respect, du temps, et surtout une vraie politique patrimoniale qui place l'histoire avant le profit.
La marchandisation de la mémoire a assez duré. Il est temps de rendre Le Morne à ceux qui en sont les véritables héritiers : les chercheurs qui tentent de reconstituer cette histoire et les descendants de ceux qui y ont laissé leur vie pour la liberté.
La gestion de notre patrimoine ne peut se réduire à une série de coups médiatiques visant à satisfaire une soif populiste d'accessibilité immédiate. C'est par la recherche et la préservation que nous honorerons véritablement la mémoire de nos ancêtres marrons.