Nichée entre les villages pittoresques de Poste-Lafayette, Roches-Noires et Belle-Mare, la réserve nationale de Bras-d'Eau constitue l'un des derniers bastions naturels de l'île Maurice. Ce joyau écologique de 497 hectares, préservé des assauts de l'urbanisation galopante, offre aux visiteurs une parenthèse enchantée dans un écosystème d'une richesse exceptionnelle. Notre périple nous emmène à la découverte de ce patrimoine fragile, où la main de l'homme a laissé son empreinte sans pour autant dénaturer l'âme profonde de ces lieux.
Un refuge pour une biodiversité menacée
Face à la disparition progressive des forêts sèches indigènes de l'île, remplacées par des zones urbaines ou envahies par des espèces exotiques, le parc national de Bras-d'Eau fait figure de résistant. Il abrite encore quelques-unes des espèces endémiques¹ qui faisaient autrefois la fierté de Maurice.
Parmi les trésors ornithologiques du parc, le coq des bois (Terpsiphone desolata) occupe une place de choix. Ce petit passereau insectivore, également connu sous les noms de gobe-mouche ou tchitrec, se distingue par son plumage chatoyant et son comportement vif. Les ornithologues amateurs peuvent tenter de l'attirer en imitant son sifflement caractéristique, bien que sa nature agitée le rende particulièrement difficile à immortaliser. Le parc constitue l'un des derniers sanctuaires où l'on peut encore observer cette espèce dans son habitat naturel².
Le zostérops gris de Maurice (Zosterops mauritianus), autre représentant des neuf espèces d'oiseaux endémiques encore présentes sur l'île, trouve également refuge dans cette forêt préservée. Sa présence témoigne de l'importance cruciale de cet espace protégé pour la conservation de la faune insulaire³.
Une mosaïque végétale entre espèces indigènes et introduites
La flore de Bras-d'Eau présente un visage contrasté, reflet de l'histoire écologique de l'île. Les eucalyptus et les pins, introduits pendant la période coloniale, cohabitent avec des espèces indigènes d'une valeur inestimable. Parmi celles-ci, l'orchidée Oenellia Aphrodite, la fougère Doryoptesis Pilosa et quelques spécimens rescapés de bois d'ébène perpétuent le patrimoine botanique originel de Maurice⁴.
D'autres essences comme le tecoma, l'araucaria et l'acajou complètent ce tableau végétal d'une grande diversité. Les zones humides du parc – Mare Sarcelles, Mare aux Chevrettes et Mare Mahogany – bordées de plantes aquatiques et de mangroves, constituent des écosystèmes précieux qui attirent une faune variée, dont les cochons marrons et les macaques à queue longue qui peuplent la forêt⁵.
Sur les traces de l'histoire coloniale
Le point de départ habituel des randonnées se situe près des vestiges d'une ancienne sucrerie datant de l'époque coloniale française. Ces ruines, dont un vieux puits remarquablement conservé, témoignent du passé agricole de la région et de l'empreinte laissée par les colons sur le paysage mauricien⁶.
Le centre d'accueil propose aux visiteurs une présentation instructive des différentes espèces qu'ils pourront rencontrer durant leur promenade. Les guides, formés par le département des Bois et Forêts du ministère de l'Agro-industrie qui gère le parc, partagent avec passion leur connaissance de cet écosystème unique⁷.
Une randonnée accessible à tous
Les autorités ont veillé à rendre le site accessible au plus grand nombre, en aménageant régulièrement le long des sentiers des kiosques et des bancs permettant aux promeneurs de se reposer. Le parcours, bien balisé, peut être accompli en environ deux heures, selon l'itinéraire choisi.
La diversité des paysages traversés constitue l'un des attraits majeurs de cette randonnée : sous-bois ombragés, sols sablonneux, et même une charmante plage publique bordée de palétuviers offrant une vue imprenable sur les lagons de la côte est⁸.
À proximité immédiate du parc, l'observatoire du Mauritius Radio Telescope profite du ciel dégagé de Bras-d'Eau pour scruter les étoiles, tandis que de grandes éoliennes, symboles d'une transition énergétique en marche, produisent une électricité renouvelable qui alimente une partie de l'île⁹.
Un écrin de nature à préserver
Le parc national de Bras-d'Eau représente bien plus qu'une simple destination touristique. Il incarne l'un des derniers témoignages de ce que fut jadis l'île Maurice, avant que l'activité humaine ne transforme radicalement son paysage. Sa préservation constitue un enjeu crucial pour la biodiversité insulaire et pour les générations futures¹⁰.
Pour le visiteur, ce havre de paix offre une parenthèse de sérénité accessible à tous, y compris aux familles avec enfants, à condition de s'équiper de chaussures adaptées et d'emporter suffisamment d'eau, la chaleur pouvant être accablante sous le couvert forestier.
Au moment où Maurice, comme tant d'autres destinations, s'interroge sur l'équilibre à trouver entre développement touristique et préservation de son patrimoine naturel, Bras-d'Eau apparaît comme un modèle de conservation réussie, où l'homme peut admirer la nature sans la dénaturer.
¹ Bosser, J. & Heine, H. (2000). Flore des Mascareignes: La Réunion, Maurice, Rodrigues. Institut de recherche pour le développement, Paris.
² Cheke, A. & Hume, J. (2008). Lost Land of the Dodo: An Ecological History of Mauritius, Réunion and Rodrigues. T & AD Poyser, London.
³ Safford, R. (2013). The Birds of Africa: Volume VIII: The Malagasy Region. Christopher Helm, London.
⁴ Strahm, W. (1993). The Conservation and Restoration of the Flora of Mauritius and Rodrigues. University of Reading, PhD Thesis.
⁵ National Parks and Conservation Service of Mauritius (2019). Annual Report on Biodiversity Conservation. Ministry of Agro-Industry and Food Security, Port Louis.
⁶ Allen, R. (1999). Slaves, Freedmen, and Indentured Laborers in Colonial Mauritius. Cambridge University Press, Cambridge.
⁷ Mauritius Forestry Service (2018). Management Plan for Bras d'Eau National Park 2018-2023. Ministry of Agro-Industry and Food Security, Port Louis.
⁸ Ramessur, R. (2002). Coastal Zone Management in Mauritius. Ocean & Coastal Management, 45(4-5), 313-322.
⁹ Mauritius Renewable Energy Agency (2019). Renewable Energy Roadmap for Mauritius. Ministry of Energy and Public Utilities, Port Louis.
¹⁰ Conservation International (2016). Madagascar and the Indian Ocean Islands Biodiversity Hotspot. Critical Ecosystem Partnership Fund, Washington DC.