Rien ne prédestinait Ashish Modak, qui est d’origine Indienne, a faire carrière dans l’hôtellerie. C’est la médecine qui est le parcours habituel dans la famille. Jusqu’au jour où son père lui parle d’une rencontre avec un américain dans un train qui le ramène à Mumbai. Pendant toute la durée du voyage, l’Américain lui parlera, avec passion, de l’hôtellerie, de l’hospitalité, de ce métier qui rapproche les gens et ouvre les horizons.
Comme Ashish Modak cherchait encore sa voie à l’époque, son père lui fit part de cette rencontre. Sans savoir qu’il allait provoquer un déclic qui, quelques années plus tard allait amener son fils à faire le tour du monde et s’établir comme un hôtelier recherché et respecté. C’est au Taj Mahal Palace and Towers, un palace de 600 clés, rendez-vous incontournable du gratin indien et international, que le jeune Ashish Modak commence sa carrière en tant que Restaurant Manager.
« Après y avoir travaillé pendant cinq ans on m’a donné l’opportunité d’ouvrir un restaurant gastronomique, le Zodiac Grill. Jusqu’à récemment — il a fermé il y a deux ans – ce restaurant était considéré comme le meilleur de sa catégorie en Asie » souligne-t-il. Lors du séjour du président Bill Clinton au Taj Le « Zodiac Grill », fut une étape importante dans la carrière d’Ashish Modak. « Ce restaurant m’a donné l’occasion de côtoyer de très près les stars, les têtes couronnées ou les grandes leaders mondiaux. Quand le président Clinton a visité Mumbai, j’étais personnellement responsable de son séjour au Taj Mahal. Ce sont des expériences qui changent la vie » affirme-t-il non sans fierté. S’expatrier est également une belle école de la vie. Et c’est aux Maldives que l’on retrouve en 2001 le jeune Ashish Modak, pour l’ouverture du Taj Exotica Resort & Spa, qui devint très rapidement une icône. Des Maldives à l’île Maurice il n’y a qu’un pas. Et c’est à lui que pense le groupe Taj pensa pour venir ouvrir le Taj Exotica, aujourd’hui connu comme Maradiva.
« Je suis vraiment tombé amoureux de l’île Maurice lors de cette première visite. Je me souviens avoir fait la tournée, avant mon départ, de beaucoup d’établissements hôteliers ici, y compris le Beau Rivage, pour me dire que j’adorais vraiment la culture de l’hospitalité à Maurice et qu’un jour peut-être je reviendrais » se souvient-il. L’aventure des Maldives prit fin pour Ashish Modak dans le sillage du terrible tsunami de 2004 avec la fermeture du Taj Exotica, qui avait considérablement souffert.
Cette pause dans les opérations amena Ashish Modak à New York, au Cornell University, La Mecque des hôteliers. Pendant son séjour à New York pour faire son Management Course in Room Division, il se retrouvera en « exposure » à l’hôtel « The Pierre », que Four Seasons venait de reprendre et à Londres au « Buckingham Gate Appartement », un hôtel-appartement de luxe. « Ces exposures sont importantes car elles vous permettent de peaufiner vos connaissances et comprendre les besoins de la clientèle de luxe non seulement d’un point de vue d’une belle île mais également d’une grande ville comme New York, ou Londres ou Mumbai ».
L’aventure Taj Exotica terminé, on retrouve Ashish Modak au sein d’une autre marque qui fait référence à travers le monde : Six Senses. Et c’est lui qui assura l’ouverture de Six Senses Ziggy Bay, à Oman. Nul besoin de dire que l’établissement devient rapidement le « benchmark » de l’hospitalité dans le Moyen Orient. Ambitieux de nature, Ashish Modak voyait néanmoins encore plus loin.
« Après 3 ans avec Six Senses j’ai commencé à réfléchir à l’orientation que je voulais donner à ma carrière. Comme vous vous en souvenez sans doute, à l’époque Six Senses opérait que des boutiques hôtels dans des endroits très retirés. Je voulais de plus en plus grandir dans ce que l’on pourrait appeler les « mainstream hotels » et ne pas être uniquement associé aux petits hôtels. Mon rêve était de manager au moins un hôtel de 150 clés ».
Ce vœu exprimé, le destin vint rapidement frapper à la porte d’Ashish Modak. « Un jour je suis tombé sur une annonce d’une marque qui m’était totalement inconnue, Naïade qui cherchait un GM pour son hôtel aux Maldives, The Diva. J’ai décidé de prendre le challenge quand j’ai su que c’était un groupe mauricien vu que j’ai ressenti une connexion intense avec ce pays émotionnellement et professionnellement lors de mon passage. Diva fut une expérience passionnante et m’a permis de grandir et de m’établir comme un hôtelier complet ».
Dans les années qui suivirent Naïade devint LUX*, Beau Rivage devient LUX* Belle Mare et Ashish Modak un des hommes clés de Paul Jones, le visionnaire qui a fait ce groupe changer de dimension. « Paul Jones voulait, dans le cadre de la restructuration du groupe, donner à Beau Rivage la place qui devait lui revenir. Vers la fin 2011 nous avons débuté le rebranding. Ça m’a également permis de comprendre à fond ce processus. Travailler avec des personnes comme Paul Jones et l’équipe engagée fut une expérience fabuleuse ».
Ode à la créativité
Une des grandes particularités de LUX* Belle Mare - aujourd'hui parmi les 25 meilleurs hôtels au monde selon TripAdvisor - est sa capacité à lancer et soutenir des « trends ». À la tête de ce laboratoire à idées, Ashish Modak qui, années après années, teste, mixte, lance des concepts qui font souvent leur chemin au-delà des murs du groupe LUX*. « En 2012 j’ai exprimé, avec mon équipe, mon désir chaque année de venir avec 3 nouvelles idées pour améliorer l’expérience client. 8 ans après nous sommes toujours fidèles à cette promesse car ça nous permet d’avancer, de nous renouveler et de continuer à donner des raisons supplémentaires aux clients de venir chez nous. La rénovation complète de 2014, avec le travail fabuleux de Kelly Hoppen, nous a permis de positionner LUX* Belle Mare comme the place to be à Maurice. C’est aussi the place to be pour vivre de nouvelles expériences à vous les niveaux ».
Quand on parle à ses collègues et ses employés ou à ses compétiteurs, ce qui revient systématiquement également quand on évoque Ashish Modak ce sont ses qualités de meneur d’hommes. Romil Ratra” de Graviss Hospitality et un des meilleurs hôteliers indiens résume Ashish Modak ainsi “ the man who knows the way, shows the way, and goes the way !. Car Ashish Modak aime le terrain. « J’aime me promener dans mon établissement, être disponible pour écouter. Apprendre et soutenir est l'une des leçons les plus importantes que j'aie jamais apprises depuis le début de ma carrière » aime-t-il dire.
Avec Paul Jones et son équipe rapprochée après la victoire de LUX* Belle Mare dans l'Innovation Challenge en 2019 Ashish Modak manage par l’exemple. Et ce n’est pas une nouveauté. Dans « The diary of a passionate hotelier », publié sur un blog « Hotelier Middle East » il y a dix ans, il résumait ainsi sa réflexion sur l’art de manager : « Les cadres de tous les niveaux doivent aujourd'hui comprendre qu'il ne s'agit pas de crier, d'abuser et d'imposer son pouvoir à ses subordonnés ; la gestion consiste à transmettre sa passion au niveau supérieur et à s'assurer qu'elle se transmet à tous les niveaux. En fin de compte, cette forme d'art, ce rôle qui exige beaucoup de compétences et d'expérience, consiste à être capable de partager votre enthousiasme pour le travail avec une force de travail collective et de construire des objectifs collectifs pour votre équipe. Et enfin, quels que soient les titres de postes et les années d'expérience, la clé du succès pour un manager réside dans sa capacité à développer et à guider son équipe de manière mature et professionnelle : la combinaison parfaite d'une forme d'art parfaitement scientifique et parfaitement abstraite ! »
Ashish Modak sait inspirer, motiver et guider ses équipes. Et être un visionnaire. La clientèle locale qui est devenue le nouvel Eldorado des hôtels de l’ère-Post Covid, cela fait des années déjà qu’il le chouchoute. « C’est tout sauf une nouveauté pour nous. Les Mauriciens ont toujours été la bienvenue. Nous leur avons toujours fait confiance et je considère qu’au fil des ans les Mauriciens nous l’ont bien rendu car ils se sont toujours sentis chez eux ici, ce qui, entre nous, est la moindre des choses car nous sommes quand même à Maurice et ça doit être pour tout hôtelier un honneur d’accueillir un client mauricien ».
Il aborde de la même manière cette pandémie qui a mis à genoux l’industrie hôtelière, refuse de parler de « new normal », préférant saisir cette situation unique pour une réflexion intense sur l’avenir de l’industrie.
« La Covid-19 nous a tous forcés à faire une pause et je pense qu’elle sera à terme très utile. Nous ne pouvons pas passer notre temps à nous larmoyer, mais plutôt préparer le futur immédiat, réfléchir sur tout ce que nous avons accompli de beau et ce qu’il nous reste à accomplir. J’espère que quand les choses reviendront à la normale, que nous avons fait un grand pas dans l’authenticité des services, leur simplicité, la mise en valeur des employés autant que les clients. L’hygiène et le respect de l’environnement seront des clés bien entendu. Mais j’espère surtout que tout le monde aura bien compris qu’un hôtel ce sont avant tout des gens, pas des chandeliers ou des poignées de portes rutilantes. Continuer à investir dans l’humain, c’est le challenge ».
C’est ce genre de discours qui singularise cet hôtelier hors normes, qui est dans le faire, dans l'écoute et dans l'humilité. Ashish Modak est la parfaite illustration d’un hôtelier passionné, épanoui, totalement imprégné par son métier, son hôtel, et qui le gère avec passion. Presque avec dévotion. Et qui a su concilier vie privée et vie professionnelle avec une grande harmonie.
Jean-Joseph Permal