Et dites-vous bien que certains parmi ces légendes comptent pratiquement un demi-siècle de présence sur la scène mauricienne. Tel Gaetan Heroseau, qui a commencé à chanter à l’âge de onze ans ! Et il a connu les maisons badigeonnées de bouse de vache, avec les toits en chaume. Une autre île Maurice qui vient se rappeler aux bons souvenirs de ce Festival Kreol, qui n’a aussi pas honte de ses racines fusion. Vishnou Carombayenin chantait « Amina » dans les années 80, et fut un des premiers à marier les airs du cinéma indien au séga mauricien.
En fait, le séga est à l’image du peuple Mauricien. Comme un laboratoire qui accepte toutes les opérations, les techniques et les métissages. En plus, les paroles de la chanson parlaient d’un amour entre deux jeunes de deux communautés différentes. Les mots « créolité » et « métissage » n’étaient pas encore familiers dans ces années de braise, mais Vishnou témoignait, en quelque sorte, de la volonté de cette jeunesse mauricienne de faire table rase du communalisme. Et de vivre leurs amours au grand jour. Avec la bénédiction du curé de l’Immaculée Conception, Henri Souchon, qui célébrait les mariages mixtes.
Les frères Nitish et Ram Joganah personnifient eux aussi cette mouvance d’une île Maurice qui revendique ses racines multiples. Sur scène, le groupe Lataniers multiplie les chansons engagées, et accompagne le Mouvement Militant Mauricien sur le chemin de la délivrance. Plus de 50 ans ont passé, et les frères Joganah restent actuels. Et humbles, rendant aussi hommage à un pionnier du genre. En l’occurrence Bam Cuttayen, dont le « Gaby » a pris encore plus d’épaisseur avec la patine du temps.
Ces légendes chantent donc en live. Et montrent la multiplicité d’une île, en phase avec les soubresauts du monde. Roland Fatime, un gagnant du concours de chant « Star Show », organisé par la Mauritius Broadcasting Corporation, fut un des premiers à marier soul music et séga. Parce qu’un autre vétéran, qui aurait dû être notre ambassadeur aux Seychelles, le ci-devant Jocelyn Perreau, connu comme le James Brown local, popularisait la musique noire américaine dans l’île. Alors Roland « Ti Lafrik » Fatime eut l’idée de ce « Soul Sok Séga », que le groupe Zot Sa a restitué à la note près, avec Mario Justin aux chœurs.
Ti Lafrik en lui-même est un phénomène. Il gagne Star Show avec « Rosanna », et le lendemain sa chanson est plagiée par Ramone ! Ce n’est qu’en 1985 que fut mise sur pied la Mauritius Society of Authors. Mais avant cette date, le plagiat était chose normale dans l’île. Et même Alphonse Ravaton, dit Ti Frer et roi du séga, commit l’outrage de reprendre le « Ma bolema » de Fanfan !
Qu’est-ce cela aurait donné, avec une affiche du Festival Kreol avec les vétérans de notre folklore : Ti Frer, Fanfan,Ton Legris, Georgie Joe, Serge Lebrasse, Jean-Claude Gaspard, Alain Permal, Roger Clency, pour ne citer que ces noms d’or ? Il est bien que les organisateurs aient pensé aux vétérans. Et la présence sur scène de Marie-Josée Couronne fait inévitablement penser à Ino Nakeed, Babalé et Balik Taroo. Les deux derniers sont toujours là, alors qu’Ino n’est plus de ce monde. Mais à eux quatre, ils ont enflammé les années 80 avec leurs hits, sur cassettes. Souvent en solo, mais toujours ensemble. Et sans jamais se quereller !
Marie-Josée Couronne fut parmi les premières à s’élever contre la violence domestique à l’île Maurice. »Mo rann twa to demann », disait-elle à celui qui l’avait déçu. En ce temps-là, les femmes étaient des Amazones, des ouvrières de la Zone Franche, et la voix de deux Marie-Josée, Couronne et Clency, aidaient à les émanciper. Il manquait Marie-Josée Clency sur cette belle affiche de Curepipe.
Mais ils ont aussi trouvé moyen de dépoussiérer les vieux vinyles, et de faire entendre les voix de Clency Modeste et d’Harold Berty, deux autres habitués de Star Show. Et Jean Daniel Toulouse, s’il n’a pas le bagoût de Claude Nougaro, tresse des mots à « La Louise » et invite déjà à célébrer la Noël. Une chanson qu’il entonnait il y a deux décennies de cela !
Ces artistes ne sont pas des « has been »Et si Charles Aznavour chantait encore à 90 ans, et que Johnny Mathis chante toujours à 93 ans, nos vétérans ont encore de belles années devant eux. En espérant que les organisateurs ne les oublient pas bien sûr. En tout cas, ils sont toujours d’attaque, ne chantent pas faux et n’ont pas peur d’un micro et d’un orchestre. Et quand vous avez le backup de Zot Sa derrière, les miracles surviennent !
En fait, si les organisateurs peuvent retenir cette suggestion, pour l’année 2025 : Oui pour un concert des légendes/vétérans du séga, mais faites-le dans une salle, qui peut accueillir en même temps une exposition de photos sur ces artistes, et aussi des vidéos de leurs prestations d’antan. La MBC, organisatrice de Star Show, a sûrement encore des images de cette émission.il faut innover pour la 20è édition de ce Festival Kreol l’année prochaine. Et inviter vraiment TOUS les vétérans de notre folklore.
Tout Mauricien sait qu’on ne jette pas les vieilles marmites. Ces ustensiles en fonte deviennent en fait des objets de collection. Voire continuent à mitonner de bons mets dans leur intérieur coloré de noir. Notre séga est comme une marmite. Ce n’est pas parce que nos artistes vieillissent qu’ils perdent de la valeur. Au contraire, et ils l’ont prouvé à Curepipe !, le temps n’a pas prise sur eux. A croire que le séga entretient le corps et la tête ! Soirée à refaire impérativement en 2025,en plus soigné. Par respect, comme le soulignait La Nikita, pour ceux qui ont ouvert la voie aux jeunes, et qui ont donné ses lettres de noblesse à notre folklore !
‘Dan vye karay ki ena bon lasos’, we like to say in Mauritius. To signify that, despite the passage of years, old things always retain their value. This Creole saying was aptly applied to the artists who took to the stage at the ‘Legends of Sega’ concert in Curepipe.
While a few names were missing, as the evening's host, La Nikita, reminded us, including Georgie Joe, Serge Lebrasse and Michel Legris, all of whom have gone to artists' paradise, those who are still with us did not disappoint. All the more so because, unlike the youngsters who prefer playback, these elders love live, direct contact with the audience. And despite a few stones left in their vocal cords, they manage to distil a certain nostalgia that takes hold of you.
And don't forget that some of these legends have been on the Mauritian scene for almost half a century. Like Gaetan Heroseau, who started singing at the age of eleven! And he's known the cow dung-painted houses with thatched roofs. This is another Mauritius that comes to mind at this Kreol Festival, which is also not ashamed of its fusion roots. Vishnou Carombayenin sang ‘Amina’ in the 80s, and was one of the first to combine Indian cinema tunes with Mauritian sega.
In fact, the sega is a reflection of the Mauritian people. Like a laboratory that accepts all operations, techniques and crossbreeding. What's more, the lyrics of the song were about a love between two young people from two different communities. The words ‘créolité’ and ‘métissage’ were not yet familiar in those fiery years, but Vishnou bore witness, in a way, to the desire of Mauritian youth to wipe the slate clean of communalism. And to live out their love lives in the open. With the blessing of the parish priest of the Immaculate Conception, Henri Souchon, who celebrated mixed marriages.
The brothers Nitish and Ram Joganah also personify this movement in a Mauritius that is asserting its multiple roots. On stage, the group Lataniers played a series of politically committed songs, accompanying the Mouvement Militant Mauricien on the road to liberation. More than 50 years on, the Joganah brothers remain relevant today. And humble, paying tribute to a pioneer of the genre. In this case, Bam Cuttayen, whose ‘Gaby’ has taken on even more depth with the patina of time.
So these legends sing live. And show the multiplicity of an island in tune with the world's upheavals. Roland Fatime, a winner of the ‘Star Show’ singing competition organised by the Mauritius Broadcasting Corporation, was one of the first to combine soul music and sega. Because another veteran, who should have been our ambassador to the Seychelles, the former Jocelyn Perreau, known as the local James Brown, was popularising black American music on the island. So Roland ‘Ti Lafrik’ Fatime came up with the idea for ‘Soul Sok Séga’, which the group Zot Sa has rendered down to the last note, with Mario Justin on backing vocals.
Ti Lafrik himself is a phenomenon. He won Star Show with ‘Rosanna’, and the next day his song was plagiarised by Ramone! It wasn't until 1985 that the Mauritius Society of Authors was set up. But before then, plagiarism was normal on the island. Even Alphonse Ravaton, known as Ti Frer and king of the sega, committed the outrage of covering Fanfan's ‘Ma bolema’!
What would the Festival Kreol line-up have been like, with the veterans of our folklore: Ti Frer, Fanfan, Ton Legris, Georgie Joe, Serge Lebrasse, Jean-Claude Gaspard, Alain Permal, Roger Clency, to name but a few? It's good that the organisers thought of the veterans. And the presence on stage of Marie-Josée Couronne inevitably brings to mind Ino Nakeed, Babalé and Balik Taroo. The last two are still with us, even though Ino is no longer with us. But the four of them set the 80s alight with their hits on cassette. Often solo, but always together. And they never quarrelled!
Marie-Josée Couronne was one of the first to speak out against domestic violence in Mauritius : ‘Mo rann twa to demann’, she said to the man who had disappointed her. In those days, women were Amazons, workers in the Free Zone, and the voices of two Marie-Josées, Couronne and Clency, helped to emancipate them. Marie-Josée Clency was missing from this beautiful Curepipe poster.
But they also found a way to dust off the old vinyl records, and to let the voices of Clency Modeste and Harold Berty, two other Star Show regulars, be heard. And Jean Daniel Toulouse, while lacking the glibness of Claude Nougaro, is already weaving words to ‘La Louise’ and inviting us to celebrate Christmas. A song he sang two decades ago!
And if Charles Aznavour was still singing at 90, and Johnny Mathis is still singing at 93, our veterans still have some great years ahead of them. Let's hope the organisers don't forget them, of course. In any case, they're still going strong, they don't sing out of tune and they're not afraid of a microphone and an orchestra. And when you have the backup of Zot Sa behind you, miracles happen!
In fact, if the organisers can remember this suggestion for the year 2025: Yes for a concert of the legends/veterans of sega, but do it in a hall that can accommodate an exhibition of photos of these artists, as well as videos of their performances of yesteryear. The MBC, which organises Star Show, surely still has images of thisprogramme. We need to innovate for the 20th edition of this Kreol Festival next year. And really invite ALL the veterans of our folklore.
Every Mauritian knows that you don't throw away old cooking pots. These cast-iron utensils become collectors' items. They even continue to cook delicious meals in their black-tinted interiors. Our sega is like a cooking pot. Just because our artists get older doesn't mean they lose value. On the contrary, as they proved at Curepipe, time has no effect on them. It's as if sega keeps the body and the mind alive! An evening that must be repeated in 2025, with even more care. Out of respect, as La Nikita pointed out, for those who paved the way for young people, and who gave our folklore its letters of nobility!