Dans des pays qu’il n’est nul besoin de citer, l’armée tue les poètes. Mais à Maurice, la foi et la liberté de penser sont précieux à ce peuple multicolore. Et c’est pour cela qu’une jeune musulmane, qui fait du slam, c’est aussi la beauté de ce pays, et de son art, décliné sous ses multiples facettes. »Mo lalang bat an kat lang », nous dit la slammeuse. Et à travers le jeu de ses mots, elle embarque son auditoire dans un territoire où « laliann nou zanset ki finn file ».
Cette jeune fille fait partie de la nouvelle fournée des slammeurs, ces nouveaux diseurs, qui captent l’atmosphère de cette île en d’autres façons. Et pourquoi les organisateurs n’ont pas pensé à réquisitionner la salle du Plaza, pour le passage de ces nouveaux diseurs ? C’aurait été l’occasion de regarder voler leurs mots sous la voûte du vieux théâtre des villes sœurs.
Comme des lucioles, leurs mots éclairent la nuit des villes sœurs, et clament que « Morisien so leker dan so lame. Nou servi lar pou rasanble.Nou viv nou lar. », soutient Christelle Speville, originaire de Rodrigues. Avec des mots au goût d’achard piment, qui fondent sur la langue, et qui sont aussi la preuve que « lamizik se pa zis tamtam ».C’est Jasmine Toulouse, animatrice de la soirée, qui postule qu’on peut tenir un public en haleine rien qu’avec des mots. Et pas n’importe lesquels. Judicieusement choisis, triés, avec un zeste de djideridoo pour concocter, à la manière d’Ingrid Leste, un métissage, un « rasinn melanz dan ras », dirait Anais Carpanen. Qui prouve que « dan Moris,to ris, nou ris. »,un enrichissement façon Vinita Hoolash. Et cette évidence : »Moris mo later ». A n’en pas douter, ces moments slam ont été le temps fort de cette soirée « Nou lar ».
Heureux aussi de retrouver, d’entendre Alain Auriant, qui se faisait rare sur scène, et qui a proposé deux morceaux parlant des droits humains des enfants et des personnes âgées. Cet artiste engagé au sein de l’organisation non gouvernementale Dis-Moi a pris du ventre, mais aussi de l’épaisseur dans ses textes. Déclinés sur un rythme reggae. C’était bien de redécouvrir ce chanteur, qui a figuré sur une compilation de chansons françaises, compilée avec le concours de l’Institut Français de Maurice. Alain a été parmi les premiers artistes Mauriciens à se produire au Marché des Arts de la Scène Africaine. Un grand nom de la musique locale, pas toujours reconnu à sa juste valeur.
Bien aussi de retrouver le groupe Natir, originaire de Chamarel, et dont le son reggae n’a rien à envier à ceux des Wailers. Menés par les frères Célérine, ce combo mérite une plus grande reconnaissance sur le plan international. Le groupe vient de perdre un de ses membres, mais Natir est comme la terre sept couleurs : Immuable et précieux.
Eric Triton a connu la maladie. Ce qui peut expliquer sa prestation assez discrète. Mais la nuit porte conseil. Et il nous dit d’écouter notre cœur. Et qu’il n’y a qu’un seul Dieu. C’est ce en quoi croient les musulmans. Ce qui nous ramène à la très belle prestation de la jeune musulmane. L’île Maurice est aussi une terre de tolérance, où toutes les confessions religieuses se côtoient, en toute harmonie. Cette riche facette de notre île méritait sa place au sein de ce Festival Kreol. Sans jamais d’ailleurs tenter de s’imposer, ou s’interposer, entre ceux qui défilaient sur le podium. Mais juste exister, dans l’ordre des mots qu’on dit, qu’on déclame. Pour dire notre foi en l’autre. Au quotidien. Sans qu’il n’y ait nul besoin de se battre pour des querelles de clocher. Le Festival Kreol émoustille le vivre-ensemble. N’y a-t-il pas meilleur programme que cette volonté de partage ?
Et l’art, »Nou Lar », est cet élément fédérateur qui va jusqu’au tréfonds des racines de ce pays. C’est pour cela que l’humour, le slam, la musique, la poésie, tous peuvent cohabiter sur une même scène. A l’image de ce peuple dont la créolité se vivifie au contact d’autres cultures. Le Festival Kreol prend fin ce dimanche, à Mahébourg. Vivement 2025, pour vivre encore plus ce bonheur créole !
Bibi Kaushar Edoo, a young Mauritian of Islamic faith, declaims a slam while wearing her hijab. She is dressed all in white, and her text reads ‘aval to laenn’.
In countries we don't need to mention, the army kills poets. But in Mauritius, faith and freedom of thought are precious to this multicoloured people. And that's why a young Muslim woman who performs slam poetry is also a symbol of the beauty of this country, and of its multi-faceted art: ‘Mo lalang bat an kat lang’, says the slammer. And through the interplay of her words, she takes her audience into a land where ‘laliann nou zanset ki finn file’.
This young girl is one of a new breed of slam artists, these new wordsmiths, who capture the atmosphere of this island in other ways. So why didn't the organisers think to commandeer the Plaza for these new performers? It would have been an opportunity to watch their words fly under the vault of the old theatre of the sister cities.
Like fireflies, their words light up the night of the sister cities, proclaiming that ‘Morisien so leker dan so lame. Nou servi lar pou rasanble.nou viv nou lar,’ says Christelle Speville, a native of Rodrigues. With words that taste of achard piment, that melt on the tongue, and that are also proof that ‘lamizik se pa zis tamtam’, it's Jasmine Toulouse, the evening's host, who postulates that you can hold an audience spellbound with words alone. And not just any words. Judiciously chosen, sorted, with a zest of djideridoo to concoct, in the manner of Ingrid Leste, a métissage, a ‘rasinn melanz dan ras’, as Anais Carpanen would say. Proving that ‘dan Moris,to ris, nou ris’, a Vinita Hoolash-style enrichment. And the obvious: ‘Moris mo later’. Without a doubt, these slam moments were the highlights of this ‘Nou lar’ evening.
We were also delighted to welcome back Alain Auriant, who has been a rarity on stage, and who performed two songs about the human rights of children and the elderly. This artist, who is involved with the non-governmental organisation Dis-Moi, has not only grown in stature, but also in the depth of his lyrics. Set to a reggae beat. It was good to rediscover this singer, who featured on a compilation of French songs compiled with the help of the Institut Français de Maurice. Alain was one of the first Mauritian artists to perform at the Marché des Arts de la Scène Africaine. A great name in local music, not always recognised for its true worth.
It was also good to see the group Natir, from Chamarel, whose reggae sound is in no way inferior to that of the Wailers. Led by the Célérine brothers, this combo deserves greater international recognition. The group has just lost one of its members, but Natir is like the seven-coloured earth: Immutable and precious.
Eric Triton has suffered from illness. Which may explain his rather low-key performance. But the night brings advice. And he tells us to listen to our hearts. And that there is only one God. That's what Muslims believe in. Which brings us back to the very fine performance by the young Muslim woman. Mauritius is also a land of tolerance, where all religious faiths live side by side in harmony. This rich facet of our island deserved its place at this Kreol Festival. Without ever trying to impose itself, or interpose itself, between those parading on the podium. Just existing, in the order of the words we say, the words we declaim. To express our faith in others. On a daily basis. With no need to fight over parochial quarrels. The Kreol Festival is all about living together. What better programme than this desire to share?
And art, ‘Nou Lar’, is the unifying element that goes to the very roots of this country. That's why humour, slam, music and poetry can all coexist on the same stage. Just like the people of Haiti, whose creolity is invigorated by contact with other cultures. The Kreol Festival comes to an end this Sunday in Mahébourg. We can't wait until 2025, to experience even more of this Creole joy!