Les précédentes, chacune d’un minimum de dix jours, oui. Et je me demandais, si, face à la frénésie du développement, Rodrigues est arrivée à garder ce qui fait sa singularité : une insularité pleine d’empathie et où on prend le temps de vivre.Deux heures après avoir posé les pieds à C Mourouk – l’établissement si merveilleusement rénové qui remplace l’ancien Mourouk Ebony- je me décidais de tenter l’aller-retour Mourouk-Port Mathurin en autobus. Rien de moins.
L’autobus à Rodrigues, plus que tout autre moyen de transport, permet de tâter les pouls de la population. Et ce voyage interminable où je me suis demandé à maintes reprises si les freins n’allaient pas finir par lâcher dans les descentes abruptes, est un cas d’école.cLes Rs 70 dépensées (pour deux car Joey Niclès Modeste est du voyage) sont un formidable sésame pour entrer de plain-pied dans le quotidien des Rodriguais, leurs attentes, préoccupations, joies et inquiétudes.
Premier constat, et cela change des visages amorphes de Maurice, chaque visage croisé vous salue quand vous entrez dans le bus. Avec un sourire si franc et impeccable que les dentistes rechignent à s’installer dans l’île. Ce sourire franc et radieux accompagnera ce voyage ponctué par une multitude d’arrêts qui ne figurent pas sur les trajets. Ici le voyageur demande au chauffeur de s’arrêter là où ça l’arrange et ne s’attire aucune remarque.
Ce qui berce aussi le voyage ce sont les conversations à haute voix. Le Rodriguais n’a manifestement rien à cacher et se tient droit débout à côté de ses opinions. Tout y passe, de la poule du voisin aux derniers développements politiques à Maurice, du Festival de Kite Surf qui arrive à la pluie qui n’arrive pas…
Et il y a aussi la musique. De toute sorte. Que diffusent des portables derniers cris. Et ces bébés qui dorment à poings fermés dans ce joyeux brouhaha.
Les Rodriguais ce sont aussi des fous rires incontrôlables. Comme quand ce marchand de fruits confits et de pistaches caramélisés avait dû descendre en quatrième vitesse du bus qui avait repris son chemin.
Rodrigues est étonnante. Comme voir son bus être arrêté en contrebas d’une descente par la voiture du président du Rodrigues Kite Festival qui nous avait vus à bord et avait décidé de nous donner un lift… Ça n’arrive qu’à Rodrigues.
Et c’est pour cela que cette île reste attachante, si différente, si humaine et si enchanteresse. Et je ne suis là que depuis quelques heures…